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La représentation des personnes non blanches dans les séries occidentales

Les personnes non blanches, non caucasiennes, les minorités ethniques (qui dans beaucoup d’endroits du monde ne sont en rien minoritaires)… Beaucoup de termes pour décrire une part immense des spectateurs des séries occidentales, sans employer l’expression « personne racisée » inventée pour imposer inconsciemment une race à certains individus comme une construction sociale, quand on sait précisément que le concept ne repose sur aucune réalité biologique.

Les séries occidentales, comme le cinéma, sont produites en majorité par des personnes caucasiennes, détentrices du pouvoir dans les studios, à l’image de la société, et ce pour des réalités historiques indéniables. De la même manière qu’on célébrait en 2008 l’élection du premier Président noir à la têtes des États-Unis, tant cela relevait de l’exploit, on pourrait aujourd’hui aussi célébrer certaines séries pour leur mise en avant d’un personne issue d’une minorité ethnique – cela relève autant de l’exploit… En effet, aujourd’hui encore, on aurait beaucoup à redire sur la représentation des personnes non blanches dans les séries ; qui s’ancre encore malheureusement souvent dans la caricature, dans les rôles de faire-valoir, dans les intrigues amoureuses endogames, même si du progrès est à noter.

La fragilité blanche et le racisme inconscient 

Avant toute chose, il est important, pour comprendre ce qui peut être offensant dans la représentation des personnes non blanches, d’intégrer que le racisme ne désigne pas uniquement une personne qui affiche haut et fort sa certitude que la « race blanche » est supérieure aux autres « races ».
En 2020, le racisme tel que décrit par le passé n’existe presque plus, et c’est tant mieux ! Pour autant, nombre d’actions, de manières de penser et d’agir, demeurent racistes, sans pour autant être conscientes et encore moins intentionnelles.
Ce sont ces petites façons de se comporter avec les minorités ethniques au quotidien, qui se retrouvent en toute logique dans les séries dépeignant des interactions humaines, qui font du traitement des personnes non caucasiennes un traitement stéréotypé, voire raciste.
De plus, le refus de reconnaître le racisme, les réactions de déni face à la dénonciation du racisme (telles que celles que va sans doute recueillir cet article), l’usage de l’expression « crier au racisme » pour nier son existence, le fait de se dire victime de racisme anti-blanc et de comparer cela au racisme vécu par les personnes non blanches constituent en eux-même du racisme et ce que la sociologue américaine Robin DiAngelo nomme de la « fragilité blanche ».
Le schéma du racisme, y compris inconscient, doit être bouleversé et détruit, il est important de faire l’effort de casser cette idée qu’être blanc est la norme, que ne pas l’être est être en-dehors de cette norme, et de comprendre ce que vivent les individus – et ici, dans le cas des séries, les spectateurs – non blancs, de même que représentatifs d’autres minorités (personnes LGBT+, souffrant d’un handicap, etc.)

Au moyen de plusieurs séries prises en exemple, ce dossier propose un tour d’horizon des écueils racistes, mais aussi des progrès de la représentation des personnes non blanches dans les séries.

Le White Savior 

Daenerys portée en triomphe par une marée humaine à la peau brune et anonyme (Game of Thrones).

En tant que personne non blanche, il peut être décevant de remarquer que les rôles d’importance sont toujours confiés aux personnes à peau claire, de ne pas pouvoir s’identifier physiquement et culturellement au héros, et surtout de ne jamais se retrouver dans les rôles de pouvoir.

Pour citer une série mainstream qui est peut-être le programme de fiction le plus connu et apprécié aujourd’hui, prenons l’exemple de Game of Thrones. Il est inutile de réfléchir longuement aux épisodes des huit saisons pour réaliser qu’aucune personne non blanche ou presque n’a de rôle d’importance, sans même parler des premiers rôles. Pourtant, quel casting bien rempli ! Quel foisonnement de personnages à ne plus savoir qui est qui et qui fait quoi !
Missandei et Ver Gris sont deux des personnages secondaires non caucasiens qu’on voit souvent, mais ils n’occupent pas un rôle principal. Ils sont tous les deux interprétés par des acteurs britanniques d’ascendance afro-caribbéenne et leurs personnages sont libérés de l’esclavage par la très blanche Daenerys (Emilia Clarke). C’est aussi la mère des dragons qui guide et règne sur les Dothrakis, autre peuple supposément non blanc qui est montré dans la série comme composé de barbares cruels qui ont des relations sexuelles en public et semblent à peine plus évolués que l’Âge du Bronze…

Daenerys est une icône féministe, mais aussi malgré elle (et manifestement malgré David Benioff et D. B. Weiss, les showrunners pleins de bonnes intentions) une icône raciste qui s’ignore. Non pas que le personnage soit raciste en lui-même, c’est son traitement à l’écran qui l’est.
Il faut le dire : Daenerys est une White Savior. On pourrait même dire que Game of Thrones remporte haut la main la palme de la séquence la plus raciste montrée à l’écran ces dernières années avec le final de la saison 3 où la Targaryen est portée en triomphe par une foule de personnes à la peau brune (accentuée par les tons marron de leurs vêtements) qui l’appellent candidement « Mère » comme s’ils avaient besoin d’une adolescente blanche pour gérer leur vie (rappel colonialiste). Il faut dire que la jeune femme les a libérés (à l’aide de ses dragons tout de même) pour leur venir en aide – ou n’est-ce pas plutôt pour commencer à se constituer des suivants dans sa quête du trône de Port-Réal ?
Le paroxysme du racisme est atteint dans ce travelling arrière vu du dessus, qui s’éloigne de Daenerys et de la nuée brune anonyme, comme s’il était nécessaire d’appuyer cette différence qu’il y a entre elle et ces gentils sauvages : Daenerys est blanche. Et ce point blanc au milieu de cette marée brune est le point de trop.

Le fameux point blanc, qui distingue nettement Daenerys des personnes à la peau foncée qu’elle vient de sauver (Game of Thrones).

Quel est le but de montrer ce genre d’images à l’écran ? Pourquoi avoir exclusivement choisi des figurants à peau mate et aux cheveux sombres quand dans le livre de George R. R. Martin sur lequel la série est basée, les habitants de cette ville sont censés avoir les cheveux de toutes les couleurs (y compris bleus, violets, verts, etc.) ?
Le but de la production de Game of Thrones était bien évidemment de faire ressortir Daenerys, de la montrer comme spéciale, mais sa couleur de peau n’était pas le bon moyen. Ce n’est pas parce qu’elle est blanche que Daenerys est spéciale, ni parce qu’ils ont la peau sombre que ces gens la portent en triomphe.
On se demande sincèrement comment une telle image a pu passer ? Comment est-il possible que personne, entre les scénaristes, les acteurs, les cadreurs, les techniciens, les réalisateurs, les showrunners, les producteurs, les monteurs, etc. n’a pu voir ce qui a sauté aux yeux de beaucoup de personnes non blanches : le racisme sous-jacent de cette scène, qui a par la suite été également critiquée comme étant colonialiste.
Les minorités ethniques, à la télévision, sont apparemment juste bonnes à porter en triomphe et appeler « Mère » les Caucasiens spéciaux qui les ont délivrés… Tandis que les Blancs s’identifient à des premiers rôles impressionnants, les personnes à peau foncée n’ont qu’à s’identifier à l’un des points d’une marée humaine soumise. Mais que feraient les minorités ethniques sans les White Saviors ?
Certains ont-ils vu le problème et n’ont-ils pas osé parler ? Leur a-t-on répondu qu’ils voyaient du racisme partout ? Mais dirait-on à une femme qu’elle voit du sexisme partout ? Cette scène serait-elle passée si Daenerys était un homme porté en triomphe par des femmes qu’il serait venu délivrer de leur oppression ? Il est important, à l’heure actuelle de se demander comment ce genre de chose est encore possible à la télévision – pour rappel, cette diffusion date de juin 2013. George R. R. Martin, qui n’a pourtant pas écrit la scène ainsi, a répondu que la marée humaine est composée de figurants locaux – le tournage ayant eu lieu au Maroc – raison pour laquelle tous ceux qui portent en triomphe Daenerys ont la peau mate et les cheveux foncés. On peine à avaler cette justification plus que bancale : il aurait été possible de prendre des figurants de toutes origines sur une production de l’envergure de Game of Thrones.

En outre, le personnage de Daenerys disposait d’un potentiel de controverse suffisamment développé, puisqu’il s’agit encore une fois d’un héros spécial et magique dont l’apparence est… blanche. En effet, le personnage a été écrit par George R. R. Martin comme à la peau pâle et aux cheveux blancs. Tout une symbolique qu’on retrouve également dans The Witcher où le héros, Geralt de Riv, sorceleur doté de pouvoirs est… blanc de peau, avec des cheveux blancs. Encore une fois, le pouvoir, le caractère spécial et magique sont assimilés à la blancheur… Une blancheur surnaturelle, rare et pure.
Notre vocabulaire est, on le sait, imprégné d’un racisme historique, notamment dans ses expressions (une année noire est une année néfaste, un teint de porcelaine est un teint sans défaut, etc.). Il aurait été intéressant que la production de Game of Thrones fasse attention à ne pas exacerber le racisme sous-jacent à l’œuvre.

Le faire-valoir, la caricature ou l’absence 

Le premier problème de bien des séries est l’absence pure et simple de personnes non blanches, qu’il s’agisse de rôles principaux ou secondaires – de la même manière que l’absence de personnes handicapées ou issues de la communauté LGBT+. A l’heure actuelle, ces distributions uniquement constituées de personnes blanches, hétérosexuelles et cisgenres tendent à disparaître, suite à une montée au créneau par le passé.
Sex and the City, la série féminine de la fin des années 1990 et du début des années 2000 est l’exemple le plus frappant de ce type de programmes : quatre New-Yorkaises caucasiennes et riches pratiquement jamais confrontées à des personnages ethniquement ou socialement différents évoluent dans un univers fermé.

Le casting très blanc de Sex and the (White) City.

Alors que Sex and the City prend fin en 2004, une autre série portée par quatre femmes débute la même année : Desperate Housewives, et cette fois, le message est passé. Qui ne se souvient pas de Gabrielle Solis, incarnée par Eva Longoria, jeune ex-mannequin d’origine mexicaine ?

Dans d’autres séries, le besoin de mettre à l’écran des minorités ethniques se fait sentir pour plaire aux publics divers, sans pour autant être désiré et réellement pensé par les productions : les rôles de faire-valoir font alors leur apparition, réservés aux personnes d’origine non occidentale. Puisqu’il faut « colorer » les castings, on ajoute ici ou là un personnage non caucasien qui va permettre de lever les critiques, sans pour autant lui donner une réelle consistance.
La série The Big Bang Theory en est un exemple : le personnage de Rajesh Koothrappali est bien souvent le moins important des trois, il sert souvent les aventures de ses amis, et n’a presque jamais d’intrigue propre. Enfin, à la fin de la série, il est le seul à rester célibataire quand les trois autres personnages geeks se sont mariés. Pendant toutes les dernières saisons, il est laissé pour compte.

La teen série Riverdale basée sur les comics Archie fonctionne de la même manière, en tous cas au niveau de ses personnages : si parmi le quatuor principal, on trouve Veronica Lodge, une adolescente d’origine latine – c’est un ajout par rapport au comics original où elle est caucasienne – celle-ci est incarnée par une actrice d’origine non hispanique (nous y reviendrons) : Camila Mendes.
De même, bien qu’interprété par un acteur d’origine samoane par son père, KJ Apa, le personnage d’Archie Andrews est caucasien dans l’histoire. Avec Betty Cooper et Jughead Jones, ces quatre personnages principaux sont tous blancs, et encore une fois, des rôles de faire-valoir, tels Josie McCoy et Toni Topaz sont attribués à des actrices d’origine respectivement afro-africaine (Ashleigh Murray) et tanzanienne et écossaise (Vanessa Morgan).
A l’heure du Black Lives Matter, cette dernière s’est d’ailleurs plainte des intrigues secondaires lui étant attribuées dans les quatre premières saisons. Roberto Aguirre-Sacasa, le showrunner de la série, a promis une amélioration de son rôle, les fans l’attendent au tournant pour la cinquième saison.
On salue néanmoins l’effort d’Aguirre-Sacasa, qui, dans la série dérivée Katy Keene, donne un premier rôle au personnage noir de Josie McCoy, ainsi que des rôles principaux à un personnage et une actrice eurasienne (Pepper Smith est jouée par Julia Chan Taylor Ross) et  un autre à jeune homme gay et travesti d’origine hispanique (Jorge/Ginger Lopez est interprété par Jonny Beauchamp).

Certains personnages d’origine non caucasienne se retrouvent dans une situation pire que le faire-valoir : la caricature pure et simple. C’est le cas, par exemple, du personnage d’Apu dans Les Simpsons. Présent depuis les débuts, cet Indien émigré aux États-Unis est le gérant de la supérette du quartier. Il parle avec un accent indien caricatural et en appelle au dieu hindou Ganesh quand l’envie lui en prend.
Lorsqu’il a été créé, il y a trente-cinq ans de cela, personne n’y voyait aucun problème, mais les Américains d’origine indienne s’insurgent à présent de cette caricature d’un autre âge qui donne l’impression qu’ils sont mal intégrés. Les protestations sont telles que Hank Azaria (comédien de doublage blanc), qui prêtait sa voix au personnage, a annoncé début 2020 ne pas souhaiter reprendre ce rôle. On ignore encore si Matt Groening et ses équipes vont garder le personnage avec un autre doubleur, le faire évoluer pour qu’il soit moins caricatural, ou le faire disparaître.
Nombre de fans caucasiens de la série se sont insurgés de ce qu’ils nomment « crier au racisme pour rien », exacerbant davantage ce racisme sous-jacent lié au personnage d’Apu. De même qu’on ne dit pas aux victimes que leurs souffrances sont inventées, dire à une personne pouvant souffrir du racisme qu’elle crie au racisme pour rien est proprement scandaleux. Ces fans caucasiens refusent simplement de se mettre à la place des spectateurs d’origine indienne, parfaitement intégrés et las de voir que leur culture est caricaturée pour du divertissement.

Apu dans Les Simpsons pourrait bien disparaître suite aux accusations de racisme.

Parfois, des séries se pensant progressistes tombent involontairement des deux pieds dans le piège du racisme inconscient. C’est le cas de la nouvelle mini-série de Sky Atlantic : Little Birds, basée sur les nouvelles érotiques d’Anaïs Nin.
Se déroulant à Tanger dans les années cinquante, elle suit à la fois des personnages marocains, américains et français et ne manque pas de témoigner de la violence des colons envers les Arabes (caricaturant au passage les Français comme des sadiques et des pervers).
On pourrait penser que cette série, qui met en scène des personnages arabes, joués par des acteurs arabes, ayant leurs propres intrigues et leur envie d’indépendance serait un modèle idéal de la manière dont un tel programme doit traiter les minorités ethniques, et pourtant, force est de constater qu’un énorme problème s’impose : Tanger, l’orient, est cet endroit de tous les exotismes, de tous les plaisirs, y compris et surtout charnels. Tanger n’est plus une ville : Tanger, c’est l’orient mystérieux, apparemment lieu parfait pour quantités de scènes érotiques, chacune repoussant davantage les limites (sadomasochisme, scatophilie, histoires nécrophiles et autres récits zoophiles, fêtes, drogue, alcool coulant à flots, armes, orgies, etc.)
Cette fois, le cliché n’est pas de montrer des minorités ethniques comme caricaturales, mais bien leur environnement, leur pays. Du Proche à l’Extrême-Orient, ces endroits du monde sont dépeints comme les temples d’un exotisme qui rime avec tout est permis, quand les sociétés occidentales sont bien sous tous rapports.

Le personnage de Cherifa Lamour dans Little Birds, qui montre l’orient exotique comme le temple de tous les plaisirs.

L’endogamie

Une autre dérive dans la manière de montrer des personnes non blanches à l’écran consiste à les montrer comme formant des couples au sein de leur propre communauté. S’il n’y a aucun mal à fréquenter une personne de même origine que soi, en général, ces relations montrées à l’écran sont le signe d’un manque d’ouverture d’esprit des scénaristes qui pensent que forcément, les personnes à peau foncée ne sortent pas avec des Caucasiens, ni même des personnes non blanches d’une origine différente de la leur. On note toutefois un net progrès avec certaines séries récentes.
Nous avons déjà parlé de ce phénomène pour Game of Thrones, en citant Missandei et Ver Gris, on peut rajouter Oberyn Martell et Ellaria Sand. Le seul couple mixte est constitué par Daenerys et Khal Drogo, mais il s’agit d’une union politique qui prend fin très rapidement.
Avec le personnage de Gabrielle Solis, Desperate Housewives nous donnait à voir une femme hispanique mariée à Carlos Solis, de même origine. Si on pouvait, au début, déplorer une union non mixte et clichée, autant Gaby que Carlos auront des aventures (et même un mariage) avec des Blancs, mettant un terme aux unions endogames qu’on suppose devoir avoir lieu dans sa propre ethnie.

Gabrielle, hispanique, épouse Victor, caucasien, dans Desperate Housewives.

Bien que les personnes non blanches dans Riverdale ne représentent que des rôles secondaires, on apprécie tout de même l’effort de la série pour montrer à l’écran plusieurs unions mixtes : Archie sort à deux reprises avec une Afro-américaine, d’abord Valerie puis Josie, tandis que Cheryl sort avec Toni Topaz, qui joue une adolescente d’origine native américaine. Ce couple est encore plus intéressant, car non content d’être mixte, les couples lesbiens sont rares, notamment dans les séries adolescentes.
Enfin, Les Nouvelles Aventures de Sabrina, série du même créateur, dépeint également des couples mixtes dont un couple homosexuel : Ambrose (noir) et Luke (blanc), mais aussi Harvey (blanc) et Rosie (afro-américaine), sans oublier le premier couple Blackwood (union d’un homme blanc et d’une femme noire).
Cette série marque d’ailleurs un net progrès puisque plusieurs personnages principaux sont non blancs, comme Ambrose et Rosie cités précédemment, mais aussi Prudence, ou transgenre comme Susie devenant Theo. Enfin, pour une première fois, des personnages d’origine différente sont montrés comme membres de la même famille : Sabrina est blanche et blonde tandis que son cousin est d’origine africaine ou afro-américaine (la série ne le précise pas, et il parle avec l’accent britannique).

Ambrose et Sabrina, cousins dans Les Nouvelles Aventures de Sabrina.

Le non-respect des minorités ethniques : cast interchangeable

Le whitewashing est une pratique consistant à choisir des acteurs blancs pour incarner des personnages normalement d’origine étrangère (par exemple dans le livre dont ils sont issus). Cette pratique très répandue tend heureusement à disparaître tant elle suscite des polémiques de nos jours.
On l’a vu, il y a déjà peu de rôles intéressants attribués aux personnes non blanches, il est donc intolérable que les rares rôles de premier plan qu’ils puissent jouer leur soient récupérés par des acteurs n’ayant pas le profil adéquat.
Dans un souci de pallier à ce problème de whitewashing, certains réalisateurs décident de changer la couleur de quelques personnages pour plus de diversité. De là est né le terme blackwhashing qui témoigne de ce racisme sous-jacent présent dans les esprits de bien des spectateurs. Spectateurs qui ne se sont jamais offusqués du whitewhashing mais s’empressent d’inventer le mot blackwashing, pour créer une polémique qui repose sur un phénomène qui se veut réparateur et qui est d’une importance incomparable par rapport à des années de whitewashing.

Riverdale, on l’a dit, a tenté de colorer son casting mais a malheureusement échoué à ce niveau-là puisque comme mentionné, l’actrice incarnant l’adolescente hispanique Veronica Lodge n’est pas latine elle-même puisqu’elle est en fait à moitié américaine et à moitié brésilienne. Les intentions n’ont donc pas été jusqu’au bout.
Un autre raté concerne le personnage de Toni Topaz, qui frôle l’aberration puisqu’il s’agit d’une jeune fille issue d’une tribu native américaine incarnée par une actrice métisse (écossaise et tanzanienne). Il y a donc un réel décalage à l’écran entre cette actrice qui apparaît manifestement comme métisse d’origine africaine et européenne et ce personnage censé être native américaine – sans compter que cette information n’apparaît que plusieurs épisodes après son introduction et tombe comme un cheveu sur la soupe.
On n’a donc pas ici affaire à du whitewashing mais à cette autre pratique qui consiste à supposer que toutes les personnes à peau non blanche sont interchangeables et donc à se permettre des libertés de casting, sans tenir compte de l’origine véritable de l’acteur et de sa logique avec celle du personnage.
Au moins, dans Riverdale, la décision de faire du personnage de Josie McCoy (chanteuse blanche et rousse) une Afro-américaine a été bien réalisée par le choix d’Ashleigh Murray, de même origine.

L’actrice métisse d’origine écossaise et tanzanienne, Vanessa Morgan, incarne Toni Topaz dans Riverdale, qui est censée être d’origine native américaine !

Sur une note positive, la palme de la série la plus sensible au respect de son casting est attribuée à Messiah qui montre à l’écran des Américains incarnés par des Américains, des Arabes incarnés par des Arabes et des Israéliens incarnés par des Israéliens, pour un résultat extrêmement juste.

Du progrès : 

Poursuivant sur la lancée du progrès, on note l’apparition de séries mi-comiques, mi-satiriques qui mettent en scène des personnes non blanches et critiquent le racisme sous-jacent à la société.
C’est le cas de Die Hart, qui met en avant le comédien afro-américain Kevin Hart incarnant son propre rôle (dans une fiction néanmoins) : lassé de joué les seconds couteaux, il rêve d’incarner le premier rôle d’un film d’action et se rend dans une école spécialisée pour réussir.
Dans une veine satirique encore plus tranchée, Dear White People, comme son nom l’indique, s’adresse aux « Chers Blancs » et cherche, par le biais d’une fiction faisant interagir Blancs et Non-Blancs de diverses origines à éduquer sur le racisme inconscient et la fragilité blanche, en ayant presque uniquement des personnes non caucasiennes comme premiers rôles, et en utilisant les situations de la vie de tous les jours comme cas concrets.

D’autres chaînes, comme la BBC, s’intéressent aussi à leurs spectateurs d’origine étrangère en adaptant des œuvres issues de leur littérature, comme la récente série A Suitable Boy, tirée du roman éponyme de Vikram Seth et se déroulant en Inde.
La série Hollywood se démarque également pour son casting cosmopolite et son histoire qui montre ce qui se serait passé si on avait donné des rôles d’importance aux acteurs non blancs et non hétérosexuels plus tôt dans les studios de tournage, mettant en avant les minorités noires, asiatiques, juives et homosexuelles. Elle a été créée par Ryan Murphy, également à l’origine de la série Glee qui met aussi en avant des premiers rôles gays, lesbiens et non blancs.
Enfin, l’apparition de ce qui est nommé blackwashing de manière raciste permet tout de même de peu à peu rendre plus mixtes les castings : des séries comme His Dark Materials, The Witcher ou encore Carnival Row distribuent à des acteurs non blancs des rôles dont la couleur n’était pas spécifiée ou sans importance. Ces deux dernières séries traitent aussi du racisme et de toutes les discriminations grâce à la parabole de la haine envers les créatures magiques dans leur univers, ce parallèle étant exacerbé par le fait de faire jouer certaines créatures magiques par des acteurs non blancs.

Agreus Astrayon est un « Puck », une créature magique rappelant un faune, qui entretient une relation amoureuse scandaleuse avec Imogen Spurnrose, humaine, dans Carnival Row. Contraste renforcé par le fait que les acteurs soient respectivement noir et blanc.

Nombre d’autres séries font aujourd’hui et depuis quelques années de plus en plus attention à mettre en scène des personnages non blancs : Larissa dans The Carrie Diaries, le prequel de Sex and the City (sans doute pour rattraper un peu la donne), mais aussi des séries comme Orange Is The New Black, Grey’s Anatomy, Sense 8, etc., et même Devious Maids, qui présente quatre femmes hispaniques comme personnages principaux ; c’est d’ailleurs leur quotidien de domestiques chez des Blancs qui est montré à l’écran.
Il y a donc du progrès à noter, et il est important de poursuivre sur cette lancée.
La première manière est de s’intéresser à ces questions sans les remettre en cause comme étant des problématiques sans importance et des reproches inventés même si l’on n’est pas concerné.e par elles, mais aussi de comprendre qu’une série doit prendre en compte tous ses spectateurs.
Enfin, la cerise sur le gâteau pour faire avancer nos séries et donc notre société dont elles sont le reflet, serait de prendre conscience de sa propre fragilité blanche et de ne plus jamais reprocher à quelqu’un de voir du racisme partout ou pire encore de « crier au racisme ». Il est autant nécessaire de cesser d’affirmer que la société était meilleure sans le politiquement correct et la bien-pensance, deux concepts qui ne gênent que ceux qui se sentent blessé.e.s dans leur fragilité blanche, masculine, hétérosexuelle et/ou cisgenre.